Textes de saint Bernard

 

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Tome I

DE L'AMOUR DE DIEU   (c. 973-1000)

Chap. I : Pourquoi et comment il faut aimer Dieu.

1. Vous voulez donc que je vous dise pourquoi et comment il faut aimer Dieu? Et moi, je vous répondrai : la raison d'aimer Dieu, c'est Dieu. La mesure de l'aimer, c'est de l'aimer sans mesure[2]. Ceci ne suffit-il pas? Si, mais pour le sage. Or, puisque je me dois aussi aux insensés (Rom., I, 14), ce qui est dit pour le sage doit être accommodé à leur état. C'est pourquoi, pour ceux qui sont plus lents, je n'aurai pas de peine à répéter la meure chose d'une façon plus développée que profonde. Je dirai donc qu'il faut aimer Dieu pour lui-même, pour une double raison : l'on ne peut rien aimer avec plus de justice et avec plus de fruit. Toutefois, la raison pour laquelle il faut aimer Dieu peut être prise dans deux sens. On peut se demander ce qu'il vaut mieux admettre : Dieu mérite-t-il d'être aimé pour lui-même, ou convient-il de l'aimer pour notre avan­tage ? [218] Assurément, je ne vois qu'une seule réponse à faire à cette double question : La raison pour laquelle nous devons aimer Dieu, c'est de l'aimer pour lui-même. Et d'abord, si nous nous plaçons au point de vue du mérite, Dieu a vraiment beaucoup mérité que nous l'aimions, lui qui s'est donné lui-­même à nous, alors que nous ne le méritions pas. En effet, que pouvait-il donner de meilleur que lui-même? Si l'on cherche pourquoi Dieu mérite d'être aimé, voici ce qui est principal : Il nous a aimés le premier (I Jean, IV, 19). Donc, il est digne d'être aimé en retour, surtout si l'on considère : première­ment, celui qui a aimé; deuxièmement, ceux qu'il a aimés, et troisièmement, combien il les a aimés. […]

 

Chap. XII.

[…]

[254] 35. Or, voici pourquoi je dis, de la charité, qu'elle est sans tache : c’est qu'elle a l'habitude de ne rien retenir pour elle de ce qui lui appartient[3]. Mais celui qui n’a rien en propre tient de Dieu, tout ce qu'il possède, et ce qui est à Dieu ne peut être souillé. Donc, la loi du seigneur, qui est aussi sans tache (cf. Ps. XVIII, 8), c'est le charité qui ne cherche pas ce qui est utile pour elle, mais ce qui l'est aux autres (I Cor. X, 33). Elle est appelée « loi du Seigneur », soit parce qu'elle est la vie du Seigneur lui-même, soit parce que personne ne la possède sinon par le don de Dieu. Il ne saurait paraître absurde de dire que Dieu même vit de cette loi; et par là je ne veux pas entendre d'autre loi que celle de la charité[4]? Qui donc, dans la souveraine et bienheureuse Trinité, conserve cette unité suprême et ineffable si ce n'est la charité? Donc le loi, et la loi du Seigneur, c'est la charité ; elle maintient d'une certaine façon la Trinité dans l'unité et l'unit dans le lieu de la paix (Ephés., IV, 3), Toutefois, que personne ne pense que je consi­dère ici cette charité comme une qualité ou un accident, autrement je dirais - Dieu m'en préserve! - qu'il y a en lui quel­que chose qui n'est pas lui; la charité est la substance divine elle-même et je n'avance là rien qui soit nouveau ou insolite, car Jean dit : Dieu est charité (I Jean, IV, 8), On, peut donc, avec raison, appliquer le nom de charité à la fois à Dieu et au don de Dieu. […]

DE LA GRACE ET DU LIBRE ARBITRE (c. 1001-1030)

[…]

1. Comme je parlais un jour devant un auditoire et que je me reconnaissais redevable à Dieu de m'avoir prévenu dans le bien, du progrès que j'accomplissais et de mon espérance d'atteindre la perfection, un des assistants me dit : « Pourquoi donc agis-tu? Quel salaire ou quelle récompense espères-tu recevoir si c'est Dieu qui fait tout? - Où veux-tu en venir? » lui répondis-je. « Rends gloire à Dieu, répliqua-t-il, à Dieu qui gratuitement t'a prévenu, t'a incité, t'a initié; et puis, d'autre part, efforce-toi de vivre dignement, et par là tu prou­veras que tu n'es pas ingrat [à l'égard] des bienfaits reçus et que tu es capable d'en recevoir de nouveaux, - Tu me donnes un conseil, lui repartis-je, mais tu devrais me donner la possibilité de suivre ton conseil; car il est plus facile de savoir ce qu'il faut faire que de le faire. Indiquer le chemin à un aveugle n'est pas la même chose que d'assurer une voiture à un homme fatigué; indiquer le chemin au voyageur, n'est pas lui donner de quoi accomplir tout son voyage. Autre chose est de veiller à ce que le voyageur ne se trompe pas de route, autre chose de s'employer à ce qu'il ne défaille pas tout au long de la route. De même, celui qui enseigne à faire le bien ne donne pas pour autant ce qui est nécessaire pour le pratiquer. Donc, j'ai besoin à la fois d'être enseigné et d’être aidé. Toi, homme, tu peux bien, certes, éclairer mon ignorance, mais l'Apôtre n'exprime-­t-il pas la vérité quand il dit : L'Esprit aide notre faiblesse (Rom., VIII, 26)? Bien plus, celui qui, par ta bouche, me [267] donne conseil, doit aussi me donner, par son Esprit, l’aide qui me permette d'accomplir ce que tu me conseilles. Voici donc que, par le don de Dieu, j'ai le vouloir ; mais je ne trouve pas en moi le pouvoir de faire le bien (id. VII, 18), et je n’ai pas confiance de le trouver un jour, si celui qui m'a donné le vouloir ne me donne pas aussi le pouvoir de faire le bien et cela à cause de ma bonne volonté (Philip., II, 13). « Où sont donc nos mérites » me demandes-tu ; ou encore : Sur quoi repose notre espoir. - Ecoute, dis-je : Dieu nous a sauvé non à cause des œuvres de justice que nous avons faites, mais selon sa miséricorde (I Tit., III, 5). Quoi? Penserais-tu par hasard que tu es l’auteur de tes mérites, que tu pourrais être sauvé par l’effet de ta justice, toi qui ne peux même pas prononcer le nom du Seigneur sans [le secour] du Saint-Esprit (1 Cor., XII, 8) ? Oublies-tu celui qui a dit : Sans moi vous ne  pouvez rien faire (Jean, XV, 5), et encore : Ce n'est pas le fait de celui qui court ou qui veut, mais c’est l'oeuvre de la miséricorde de Dieu (Rom., IX, 16)?

 

Tome II.

SERMON XXXI SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES (c. 940-945). .

DE L'EXCELLENCE DE LA VISION DE DIEU : COMMENT À PRÉSENT LE GOUT DE LA PRÉSENCE DIVINE VARIE CHEZ LES SAINTS SELON LES DÉSIRS VARIES DE LEUR AME.

 

1. Indiquez-moi où est celui que mon âme aime, où vous faites paître votre troupeau, où vous vous reposez à midi (Cant., I, 6). Le Verbe-époux apparaît fréquemment aux esprits avides de lui, et non seulement sous un seul aspect. Pourquoi? Sans doute parce qu’il ne peut être encore vu tel qu'il est (I Jean, III, 2). La vision que nous aurons de lui demeurera toujours, parce que la forme qui sera vue durera toujours. Dieu est, et il ne peut subir aucun changement de ce qui est, fut ou sera. Enle­vez « fut » ou « sera », où y a-t-il place pour l'ombre même de transmutation ou de vicissitude? Tout ce qui vient de ce qui « fut » pour tendre vers ce qui « sera » passe certainement parr le « est », mais il n' « est » point. En effet, comment peut « être » ce qui ne demeure jamais dans le même état ? Seul « est » vraiment ce qui n'est pas supprimé par le « fut » et n'est pas détruit par le « sera », mais ce à quoi, seul et inexpugnable, demeure le « est » en demeurant ce qu'il est. De lui, on ne peut dire qu'il « fut » , parce qu'il « est » depuis toujours; on ne peut dire qu'il « sera », puisqu'il est pour toujours; et par là il s'approprie le véritable être, c'est-à-dire l'être incréable, indéterminable, invariable. Lorsque celui qui est ainsi, ou plutôt qui n'est pas comme ceci, ou comme cela, est vu comme il est, la vision, comme je l'ai dit, se maintient, parce qu'aucun changement ne saurait la modifier. C'est alors qu'un seul et même denier, celui de l'Évangile, est donné à tous ceux qui le verront ainsi, parce qu'il se présentera à tous sous une même forme. Car, comme ce qui leur apparaîtra est invariable en soi, il sera présent [6] invariablement à ceux qui le verront; et ceux à qui il appa­raîtra ne voudront et ne pourront rien voir de plus désirable, ni de plus délectable. Quand donc l'avidité de le voir se lassera­-t-elle ou cette suavité s'épuisera-t-elle; ou quand donc la vérité décevra-t-elle, ou l'éternité cessera-t-elle? Si le pouvoir et 1a volonté de le voir se prolongent durant l'éternité, comment ne serait-ce pas la pleine béatitude? Rien ne manquera désor­mais à ceux qui le verront toujours; rien ne restera à désirer, pour ceux qui l'aimeront pour toujours.

2. Une telle vision n'appartient pas à la vie présente, mais est réservée pour l'autre vie, pour ceux qui peuvent dire: Nous savons, que lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons comme il est (I Jean, III, 2). Et maintenant, il apparaît à qui il veut, mais comme il veut, et non pas comme il est. Ni le sage, ni le saint, ni le prophète ne peuvent ou n'ont pu, dans ce corps mortel, le voir comme il est, celui-là le pourra dans son corps immortel, qui en sera jugé digne[5]. C'est pourquoi, en la vie présente, il est vu aussi, mais comme [bon] lui semble, et non pas comme il est. Tu n'as jamais vu non plus ce grand luminaire (je parle du soleil que tu vois tous les jours) comme il est, mais seulement comme il éclaire, par exemple, l'air, une montagne, un mur. Et tu ne le pourrais pas du tout, si la lumière même de ton corps, par quelque côté, n'était pas semblable, par la sérénité et la lim­pidité qui lui sont naturelles, à la lumière céleste. Car nul autre membre de ton corps n'est réceptif de la lumière, à cause de sa grande dissemblance avec elle. L'oeil lui-même, lorsqu'il est troublé, ne peut recevoir la lumière parce qu'il a perdu sa res­semblance avec elle. Ainsi celui qui a l'oeil troublé ne peut voir le soleil, dans toute sa clarté à cause de sa dissemblance avec lui; celui qui a l'oeil clair le voit à cause de quelque ressem­blance avec lui. Bien entendu, si l'oeil était aussi pur que le soleil il le verrait tout à fait, sans éblouissement, tel qu'il est à cause de cette ressemblance totale. De même celui qui est éclairé par le soleil de justice, qui éclaire tout homme venant en ce monde (cf. Jean, I, 9), peut le voir en ce monde, tel qu'il [7] éclaire, parce qu'il lui est semblable en quelque chose; mais il ne peut [le voir] tel qu'il est, parce qu'il ne lui est pas encore tout à fait semblable. C'est pourquoi il est dit : Approchez-vous de lui et soyez illuminés et vos visages ne seront point éblouis (Ps. XXXIII, 6). Oui, il en est bien ainsi, pourvu que nous soyons éclairés assez pour que, contemplant la gloire de Dieu à visage découvert, nous soyons transformés en ce même visage de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur (II Cor. III, 18)[6].

3. Il faut donc s'approcher de lui, non s'y précipiter, de crainte que le scrutateur irrévérent de la majesté ne soit accablé par la gloire (Prov., XXV, 27). Et ce n'est point en changeant de lieu qu'il faut s'approcher, mais par des clartés [successives] et qui ne sont pas corporelles, mais spirituelles, comme étant conduits par l'Esprit du Seigneur. Par l'Esprit du Seigneur, dis-je, non par le nôtre, quoique cela se passe dans le nôtre. Aussi celui qui est plus éclairé en est-il plus proche; être tout à fait éclairé, c'est être arrivé. Pour ceux qui lui sont désor­mais présents, ce n'est pas autre chose de le voir comme il est que d'être tel qu'il est, et de n'être pas ébloui par quelque dissemblance. Mais, comme je l'ai dit, cela n'arrivera qu'à ce moment-là. Cependant, cette si grande variété de formes et ce nombre d'espèces différentes qui se trouvent dans les choses créées, qu'est-ce autre chose que des rayons de la Déité, et qui montrent que celui dont elles proviennent existe vraiment, sans qu'elles fassent voir absolument ce qu'il est? C'est pourquoi on peut voir quelque chose de lui, mais non le voir lui-même. Et lorsque l'on voit quelque chose de celui qu'on ne voit pas, on connaît sans aucun doute qu'existe celui qu'il faut chercher, de sorte que la grâce ne trompe pas celui qui cherche; et que l'ignorance n'excuse pas celui qui néglige de le chercher. Mais cette manière de voir est commune; car, selon l'Apôtre, il est aisé, à tout être doué de raison, de contempler les choses invisibles de Dieu, par celles qui ont été faites (Rom. I, 20). [8]

4. Sans aucun doute, ce fut d'une autre manière qu'autrefois Dieu daigna accorder aux Pères cette familiarité fréquente, si enviable, de la divine présence, bien qu'il ne se montrât pas à eux tel qu'il est mais tel qu'il lui plaisait de paraître. Et ce ne fut pas de la même manière pour tous, mais, comme dit l'Apôtre, en différentes façons et sous diverses formes (Hébr. I, 1), bien qu'en lui-même il soit un, lui qui dit à Israël : Le Seigneur ton Dieu est un seul Dieu (Deut.VI, 4). Et c'est ainsi qu'il se montra non de manière uniforme, mais cependant au dehors, par des images qui apparaissaient extérieurement, ou par des paroles qui s'entendaient. Mais il y a une vision (inspec­tio) divine, d'autant plus différente de ces [manifestations] qu'elle est plus intérieure, lorsque par lui-même Dieu daigne visiter l'âme qui le cherche, mais qui le cherche avec toute 1'ardeur de son désir et de son amour. Or, voici le signe de sa venue, comme nous l'apprend celui qui l'a expérimentée : Le feu marchera devant lui et dévorera ses ennemis tout à l'entour (Ps. XCVI, 3). Il faut en effet qu'en toute âme vers laquelle il va venir, 1'ardeur du saint désir devance son visage, afin de consumer toute la rouille des vices et ainsi préparer la place du Seigneur. Et alors l'âme sait qu'elle est près du Seigneur lorsqu'elle se sent embrasée par ce feu[7], et qu'elle dit avec le Prophète : D'en haut, il a envoyé le feu dans mes os, et il m'a formée (Lament., I, 13), et encore : Mon coeur s'est échauffé au dedans de moi, et mes pensées étaient comme un feu ardent. (Ps. XXXVIII, 4).

5. Après qu'une telle âme a soupiré fréquemment, a prié sans arrét et s'est affligée sans cesse dans la véhémence de ses désirs, s'il arrive parfois que celui qu'elle a tant désiré et tant cherché, ayant pitié de sa peine, se présente à elle, je crois qu'elle peut dire avec saint Jérémie, instruite par sa propre expérience : Vous êtes bon, Seigneur, pour ceux qui espèrent en vous, pour l'âme qui vous cherche (Lament. III, 25). Mais, son ange, qui est un des compagnons de l'époux et lui a été envoyé pour être le ministre et le témoin de cette salutation secrètee et mutuelle, cet ange, dis-je, n'est-il pas rempli de joie, ne [9] tressaille-t-il pas d'allégresse par la part qu'il prend à cette douce faveur? Alors, tourné vers le Seigneur, il parle ainsi : « je vous rends grâce, Seigneur de majesté, de ce que vous avez exaucé les désirs de son coeur et de ce que vous ne l'avez pas déçue dans ce qu'elle voulait obtenir de vous par sa prière (Ps. XX, 3). C'est lui qui, en tout lieu, compagnon assidu de d'âme, ne cesse de l'exciter et de la presser de ses fréquentes suggestions, disant : Réjouis-toi dans le Seigneur et il te don­nera ce que demande ton coeur; et encore : Compte sur le Seigneur et garde ses voies (Ps. XXXVI, 4, 34); et de même : S'il se fait attendre, compte sur lui, parce qu'il viendra et ne tardera pas (Habac., II, 3). Et il dit au Seigneur: Comme le cerf désire les sources d'eau, ainsi cette âme vous désire, mon Dieu (Ps. XLI, 2). Elle vous a désiré toute la nuit, mais votre Esprit qui habite son coeur l'a éveillée dès le matin pour vous chercher (Isa. XXVI, 9). Et encore : Elle a tenu, tout le jour, ses mains élevées vers vous (Ps. LXXXVII, 30). Accordez ce que vous demande celle qui crie derrière vous (Matth., XV, 23). Tournez-vous vers elle ; laissez-vous fléchir par ses prières (Ps. LXXXIX, 13); regardez du haut du ciel, voyez et visitez celle qui est désolée. » Le fidèle­ paranymphe [le compagnon de l’époux], conscient, mais non jaloux de l’amour mutuel, ne cherche pas sa gloire, mais celle du Seigneur : il est l'inter­médiaire entre le bien-aimé et la bien-aimée, offrant les voeux, rapportant les dons. Il excite celle-ci, apaise celui-là. Parfois aussi, bien que rarement, il les fait voir l'un à l'autre, soit en la ravissant, soit en lui amenant le bien-aimé. Il est de la mai­son et connu dans le palais; il ne craint aucun refus, et voit quotidiennement la face du Père.

6. Mais toi, garde-toi bien de croire que nous pensons qu'il y ait rien de corporel et d'imaginatif en cette union du Verbe et de l'âme. Nous disons ce que dit l'Apôtre : Celui qui adhère à Dieu ne fait qu'un esprit avec Lui (I Cor., VI, 17). L'excessus de l'intelligence (mentis) pure, ou la pieuse descente de Dieu dans l'âme, nous les exprimons par les paroles que nous pouvons, en comparant ce qui est spirituel à des choses spirituelles. Aussi est-ce dans l'esprit que se fait cette union, parce que Dieu est esprit et désire la beauté de 1'âme qu'il aura trouvée peut-être marchant selon l'esprit, et ne se laissant pas aller aux désirs [10] de la chair, surtout s'il l'a vue brûlant de son amour. Celle qui ainsi affectée et ainsi aimée ne se contentera donc pas du tout ni de cette manifestation de l'époux faite à beaucoup par 1' intermédiaire des choses créées, ni de celle qui a été faite à un petit nombre par les visions et les songes; elle veut que, par un privilège spécial, son Époux descende du haut du ciel en elle, qu'il la pénètre dans ses affections intimes et les moelles de son coeur; elle veut que celui qu'elle désire ne se montre pas à elle sous une figure extérieure mais qu'il s'infuse en elle, qu'il ne lui apparaisse pas mais qu'il soit en elle; car on ne peut douter qu'il soit plus agréable [pour l'Épouse] de le sentir en elle que de le voir du dehors. Car le Verbe ne fait pas de bruit, mais il pénètre; il ne parle pas, mais il agit; il ne retentit pas aux oreilles, mais il caresse affectueusement. C'est un visage qui n'a pas de forme mais qui forme, qui n'éblouit pas les yeux du corps mais qui réjouit la face du cœur ; c'est un visage agréable, non par le brillant coloris mais par le don de l’amour[8].

[Bernard explique dans la suite du sermon de quelles manières variées le Verbe se présente aux âmes éprises de  lui]

 

SERMON LXXIV SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES (c.1139-1144)

Des visites du Verbe époux qui sont faites en secret à l’âme sainte ; et ceci Bernard l’éclaire timidement et discrètement de son propre exemple pour l’édification des siens.

[…]

5. Maintenant supportez un peu ma folie (II Cor., XI, 1). Je veux vous dire, parce que le vous l'ai promis, ce qui se passe en moi à ce sujet. Peut-être devrais-je m'en abstenir, mais je me livrerai pour vous être utile; et si vous en profitez, je serai consolé de ma folie; sinon, je confesserai ma folie. J'avoue, je le dis dans ma folie, que le Verbe est venu vers moi et plusieurs fois. Et bien qu'il soit assez souvent entré en moi, je n'ai pas senti chaque fois qu'il y entrait. J'ai senti qu'il était présent; je me souviens qu'il a été présent, parfois j'ai pu pressentir son entrée, je n'ai jamais senti son entrée elle-même, pas plus que sa sortie. Car, d'où venait-il quand il vint dans mon âme, et où s'en est-il allé lorsqu'il l'a quittée, par où est-il entré ou sorti? Je déclare maintenant l'ignorer, selon cette parole : Tu ne sais d'où il vient, ni où il va (Jean, III, 8). Et il ne faut pas s'en étonner, puisque c'est à lui qu'il est dit : Et les traces de tes pas ne seront pas connues (Ps. LXXVI, 20). Certes, il n'est pas entré par les yeux, puisqu'il n'a pas de couleur ni par les [126] oreilles, puisqu'il ne fait pas de bruit; ni par les narines, puisqu'il ne se mêle pas avec l'air, mais avec l'âme, et il ne pénètre pas dans l'air, mais il l'a plutôt créé; ni non plus par la gorge, car il ne se mange ni ne se boit; et je ne l'ai pas décelé non plus par le toucher, puisqu'il n'est pas palpable. Par où donc est-il entré? Est-ce que par hasard il ne serait pas entré, n'étant pas venu du dehors? En effet, il ne s'identifie avec aucune des choses qui sont au dehors. Cependant, il n'est pas venu du dedans de moi, puisqu'il est le bien, et je sais que le bien n'habite point en moi (Rom., VII, 18). Je suis monté au-dessus de moi-même et j'ai trouvé que le Verbe était encore plus haut. Explorateur curieux, je suis descendu au plus profond de moi-même, et j'ai trouvé pareillement qu'il était encore plus bas; j'ai regardé hors de moi - et j'ai vu qu'il était à l'extérieur de tout ce qui m'est extérieur; j'ai regardé au dedans de moi et j'ai vu qu'il m'était plus inté­rieur que moi-même. Et alors j'ai reconnu comme vrai ce que j'avais lu, qu'en lui nous avons la vie, le mouvement et l'être (Act.,

XVII, 28). Mais heureux celui en qui il est, qui vit pour lui, qui et mû par lui.

6. Tu demandes sans doute, puisque toutes ses voies sont ainsi impénétrables, comment j'ai pu savoir qu'il était présent? Il est rapide et efficace : dès qu'il est entré, il a réveillé mon âme qui somnolait; il a ému, amolli et blessé mon coeur qui était dur comme la pierre et malade. Il s'est mis aussi à défricher et à détruire, à édifier et à planter, à arroser ce qui était sec, à illuminer ce qui était ténébreux, à ouvrir ce qui était fermé, à enflammer ce qui était froid, et aussi à redresser ce qui était de travers et à aplanir les chemins raboteux (Luc, III, 5); en sorte que mon âme bénissait le Seigneur et que tout ce qui était en moi glorifiait son saint nom (Job, XIII, 19). Ainsi donc, chaque fois que le Verbe Époux entra en moi, il ne fit jamais connaître son entrée par aucun indice; ni par la voix, ni par la vue, ni par la démarche. Enfin, il ne s'est manifesté à moi par aucun mou­vement, ne s'étant glissé au fond de moi-même par aucun de mes sens. Ce fut seulement par le mouvement de mon coeur, comme je l'ai dit plus haut, que j'ai reconnu sa présence. Ce fut par, la fuite des vices et la répression des affections charnelles que j'ai remarqué la puissance de sa vertu. Ce fut par la discussion ou la réprobation de mes pensées secrètes que j'ai admiré la profondeur de sa sagesse; par l'amendement, si petit soit-il, de mes moeurs, que j'ai expérimenté sa bonté et sa man­suétude; par le renouvellement et la réformation de mon esprit, [127] c'est-à-dire de mon homme intérieur, que j'ai découvert en quelque sorte l'aspect de sa beauté ; ce fut en regardant toutes ces choses ensemble que j'ai été dans l'étonnement en face de son immense grandeur[9].

Mais, comme toutes ces choses, quand le Verbe s'est éloigné, commencent aussitôt à languir et à se refroidir, telle une chau­dière bouillante lorsqu'on retire le feu sous elle, et comme c'est là pour moi le signe de son départ, mon âme est nécessairement triste, jusqu'à ce qu'il revienne; mais quand mon ceeur se ré­chauffe comme d'habitude au-dedans de moi, alors c’est, pour moi l'indice de son retour. Ayant du Verbe une telle expérience, qu'y a-t-il d'étonnant si je me sers aussi de la voix de l'Épouse pour le rappeler lorsqu'il s'absente, moi qui suis transporté d'un désir, sinon égal, du moins en partie semblable au sien? Il me sera familier tant que je vivrai, d'employer, pour rappeler le Verbe, ce mot de rappel : « Revenez ». Et chaque fois qu'il se dérobera, chaque fois, je répéterai ce mot; et je ne cesserai pas de crier derrière lui par les ardents désira de mon coeur qu'il revienne, me rende la joie de son salut (Ps. L, 14) et se rende à moi-même. Je vous le déclare, mes fils, je n'ai, de plaisir à rien, tant que n'est pas de retour celui qui fait seul tout mon bonheur. Et je demande ceci : qu'il ne vienne pas à vide, mais plein de grâce et de vérité (Jean, I, 14), selon son habitude, comme il l'a fait hier et auparavant. En quoi il me semble qu'il a beau­coup de rapport avec la chèvre et le faon de la biche, puisque la vérité a les yeux de la chèvre, et la grâce, la joie du faon.

 

SERMON LXXXIII SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES (c.1181-1184).

[…] Dieu a voulu que la marque de la générosité divine soit sans cesse conservée dans l'âme, afin que cette ressemblance qu'elle a avec le Verbe l'avertisse ou bien de demeurer avec lui, ou bien de revenir à lui si elle s'en est éloignée. […] Le retour de l'âme c'est sa conversion au Verbe pour être reformée par lui et lui être rendue conforme: En quoi? En la charité. Car il est écrit : Soyez les imitateurs de Dieu, comme des fils bien-aimés; marchez dans la dilection puisque le Christ vous a tant aimés (Éphés., V, 1, 2).

3. Une telle conformité marie, pour ainsi dire, l'âme au Verbe, lorsque lui étant semblable par sa nature, elle s'efforce de lui ressembler par sa volonté, en l'aimant comme elle est aimée de lui. Donc, si elle aime parfaitement, elle devient son épouse. Qu'y a-t-il de plus agréable que cette conformité, de plus désirable que cette charité qui fait que ton âme ne se con­tente pas des enseignements qu'elle reçoit des hommes, mais s'approche avec confiance du Verbe, adhère sans cesse à lui, l'interroge familièrement, le consulte en tout, la capacité de ton intelligence devenant la mesure de la hardiesse de tes désirs. Voilà vraiment le contrat d'un mariage spirituel et saint... C'est trop peu dire : ce n'est pas un contrat : c'est un embrassement, oui, un embrassement, puisque la liaison parfaite de leurs volon­tés fait, des deux, un seul esprit. Il ne faut pas craindre que l’inégalité des personnes fasse boiter, en quelque point cette union de volontés. Car l'amour ignore la crainte révérentielle. [153] L'amour tire son nom d'aimer et non pas d'honorer. Celui qui est effrayé ou étonné, qui craint ou admire, celui-là honore: mais tous ces sentiments n'existent pas chez celui qui aime. L'amour a par lui-même sa plénitude. Lorsqu'il se fixe dans une âme, il absorbe en lui toutes les affections. C'est pourquoi celle qui aime, aime et ne sait rien d'autre. Celui même qui mérite d'être honoré, admiré, loué, aime cependant davantage d'être aimé. Tels sont l'Époux et l'Épouse. Quelle autre néces­sité ou quel autre lien cherches-tu entre des époux sinon le fait d'être aimé et d'aimer? Ce noeud est même plus étroit que celui qui unit naturellement les parents à leurs enfants. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse (Math., XIX, 5). Tu vois combien cette affection dans les époux non seulement est plus forte que toutes les autres mais encore plus forte qu'elle-même.

4. Ajoute à cela que cet époux non seulement aime mais de plus qu'il est l'amour. N'est-il point aussi l'honneur? Le sou­tienne qui voudra; moi je ne l'ai pas lu. Mais je lis que Dieu est charité, (I Jean, IV, 16); je ne lis pas qu'il soit l'honneur ou la dignité. Ce n'est pas que Dieu ne veuille être honoré, lui qui dit : Si je suis Père, où est l'honneur qu'on me doit (Malac., I, 6) ? C'est évidemment le propre d'un père d'être honoré. Mais s'il parle comme époux, ne dira-t-il pas : Si je suis époux, où est l'amour qu'on me doit? Car il a dit aussi auparavant : Si je suis le Seigneur, où est la crainte qu'on me doit? (ibid.). Dieu exige d'être craint en tant que Seigneur, d'être honoré en tant que père et d'être aimé en tant qu'époux. Qu'est-ce qui l'em­porte? Assurément l'amour. Sans lui, la crainte se préoccupe du châtiment, l'honneur n'implique pas la grâce. La crainte demeure servile tant qu'elle n'est pas libérée par l'amour. Et l'honneur qui ne vient pas de l'amour n'est pas un honneur mais une flatterie. Or, c'est à Dieu seul que sont dus l'honneur et la gloire, mais Dieu n'accepterait ni l'un ni l'autre s'ils ne sont pas comme assaisonnés par le miel de l'amour. L'amour se suffit à lui-même, il est agréable parr lui-même et à cause de lui-même. Il est à lui-même son mérite, sa récompense. Il ne requiert d'autre cause ni d'autre fruit. Son fruit est l'usage qu'on en fait. J'aime parce que j'aime; j'aime pour aimer. L'amour est une grande chose, si toutefois il retourne à son principe; une fois revenu à son point d'origine et à sa source, il y prend de nouvelles eaux pour aussitôt les épandre: L'amour est la seule tendance parmi tous les mouvements, les sentiments et [154] les affections, qui permette à la créature de répondre à son au­teur, bien qu'inégalement, ou d'en agir à son endroit avec réci­procité. Par exemple, si Dieu est irrité contre moi, est-ce que je me mettrai en colère contre lui. Certainement non; mais je craindrai, je tremblerai, je demanderai pardon. De même s'il me fait un reproche, je ne blâmerai pas sa réprimande, mais plutôt je la trouverai juste. S'il me juge, je ne le jugerai pas, mais je l'adorerai. Lorsqu'il me sauve, il n'exige pas de moi que je le sauve, ni que je le délivre, parce que c'est lui qui délivre et sauve tout le monde. S'il est mon maitre, je dois le servir; s'il me commande, je dois lui obéir et je ne dois pas réciproquement exiger pour moi le même service ou la même obéissance que je lui rends. Comme il en est autrement au sujet de amour! Lorsque Dieu aime, il ne demande pas autre chose que d'être aimé, parce qu'il n'aime qu'afin d'être aimé, sachant que ceux qui l'aiment seront rendus heureux par cet amour même.

5. Oui, l'amour est une grande chose; mais il a des degrés. L'épouse se place au plus haut degré. En effet, les fils aiment, mais ils pensent à l'héritage; et, dans la crainte qu'ils ont de le perdre, ils ont plus de respect que d'amour. L'amour qui est soutenu par l'espoir d'obtenir quelque autre chose m'est sus­pect. Il est faible, puisque si cette espérance vient à se perdre, il s'éteint ou diminue. Il n'est pas pur parce qu'il désire autre chose que ce qu'il aime. L'amour pur n'est pas mercenaire. Il ne tire pas sa force de l'espérance et cependant il n'est pas affecté de la défiance qu'on peut lui montrer. Un tel amour est celui de l'épouse parce que toute épouse est amour. L'amour est la chose de l'épouse et son unique espoir. L'épouse abonde en cet autour; l'époux en est satisfait : il ne demande pas autre chose à l'épouse et celle-ci ne possède pas autre chose. Voilà ce qui fait l'époux, voilà ce qui fait l'épouse. Cet amour qu'au­cun autre n'atteint, pas même le fils, est propre aux époux. En effet, il crie, aux fils : Où est mon honneur? Il ne dit pas : Où est mon amour? réservant cette prérogative pour l'épouse. Or, l'homme reçoit l'ordre d'honorer son père et sa mère (Deut. V, 16), mais il ne lui est pas dit de les aimer, non parce que 1es parents ne doivent pas être aimés par leurs fils, mais parce que beaucoup de fils honorent plus leurs parents qu'ils ne les aiment. Il est vrai qu'un roi aime qu'on lui rende honneur; mais l'amour de l'époux ou plutôt l'époux qui est l'amour même demande seulement la réciprocité de l'amour et la fidélité. Qu'il soit donc permis à l’épouse de l'aimer. Comment ne l'aimerait-elle pas [155] puisqu'elle est épouse et épouse de l'amour? Pourquoi 1’Amour ne serait-il pas aimé?

6. C'est donc avec raison que l'épouse, renonçant à toute autre affection, se donne tout entière à l'amour seul, puisqu'elle peut répondre à celui qui est amour par un amour réciproque. Car, quand elle se répandrait tout entière dans l'amour, que serait-ce en comparaison de cette source d'où jaillit continuelle­ment l'amour? Ce n'est pas une abondance égale que répandent celle qui aime et l'Amour, l'âme et le Verbe, l’épouse et l'époux, la créature et le créateur, de même que celle qui a soif et la fontaine qui désaltère. Quoi donc? L'amour de l'épouse, les voeux de la fiancée, les désirs de celle qui soupire, l'ardeur de l’amante, la confiance de celle qui attend vont-ils périr parce qu'elle ne peut courir aussi fort qu'un géant, parce qu'elle ne peut pas disputer en douceur avec le miel, en bonté avec l'agneau; en blancheur avec le lis, en charité avec celui qui est charité? Non. Car, bien que la créature aime moins le Créateur qu'elle n'en est aimée, cependant, si elle l'aime autant qu'elle le peut, il ne manquera rien à son amour, qui sera tout ce qu'il peut être. Voilà pourquoi j'ai dit : Aimer ainsi, c'est être marié, car l'épouse ne peut pas aimer de la sorte et être peu aimée. Or, c'est par le consentement des deux parties que consiste le mariage parfait; à moins que quelqu'un ne révoque en doute que l'âme soit aimée du Verbe avant qu'elle l'aime et plus qu'elle ne l'aime. Certes, elle est prévenue et dépassée en amour. Heureuse celle qui a mérité d'être prévenue dans la bénédiction d'une si grande douceur! Heureuse celle à qui il a été accordé d'expéri­menter une étreinte si. suave! Cet embrassement n'est pas autre chose qu'un amour chaste et saint, un amour suave et doux, un amour aussi paisible que sincère, un amour réciproque, intime, fort qui n'unit pas deux êtres en une seule chair mais qui les unit en un seul esprit, qui fait des deux non pas deux mais un seul, comme le dit l'Apôtre : Celui qui adhère et Dieu ne fait qu'un seul esprit avec lui (I Cor., VI, 17). Mais écoutons plutôt sur ce sujet celle que l'onction de la grâce et une fréquente expé­rience ont rendue plus savante que tous les autres en ce domaine. Toutefois, gardons cette meilleure part pour le début d'un autre sermon, de peur de trop resserrer en si peu de temps un sujet si excellent. Et, si vous l'approuvez, je terminerai ce discours avant d'en avoir épuisé le sujet, afin que nous nous réunissions demain de bonne heure, avides de nous délecter dans les délices de l'âme sainte, dont mérite de jouir l'âme bienheureuse avec [156] le Verbe et dans le Verbe, son époux, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est par-dessus tout Dieu béni dans les siècles.

 



[1] Saint Bernard, Œuvres, trad. et préfacées par M.-M. Davy, Aubier, 1945, 2 tomes.

[2] Saint Bernard s'inspire ici de Sévère de Milève, écrivant à saint Augustin à propos de l'amour de Dieu : « C'est là qu'on aime sans me­sure, parce que la mesure d'un tel amour est de n'en connaître aucune. » Jean de Salisbury reprend la même idée en disant : « ...selon Platon, le philosophe est celui qui aime Dieu; qu'est-ce d'autre que la philosophie, sinon l'amour de la divinité?... Si l'amour de Dieu s'éteint, le nom de philosophie s'évanouit. Ainsi la sagesse incarnée de Dieu, lorsqu'elle prescrit le mode, demande que Dieu soit aimé sans mesure. » (n. de la t.)

[3] Ce qui signifie : la charité ne comporte aucun vouloir d'intérêt propre. (n. de la t.)

[4] 2. Cette loi de Dieu qui est la charité, n'est autre que l’Esprit-Saint, Dieu-charité, Dieu s'aimant lui-même. […] Tout le problème de la vie mystique, de 1’union consiste à se laisser régir par cette loi de Dieu, par cette vie d’amour telle qu'elle est en Dieu. (n. de la t.)

 

[5] Tout ce passage est très net pour préciser que saint Bernard n'admet aucune vision de Dieu tel qu 'il est durant la vie terrestre. Il n'y a donc pas d'identification entre la vie mystique la plus élevée et la vision béatifique. (note de la traductrice).

[6] Partant du principe grec selon lequel le semblable seul peut connaître son semblable, Bernard - à propos de la connaissance de Dieu - établit comment la connaissance exige la ressemblance entre le sujet connaissant et l'objet connu. C'est donc la similitude qui rend possible la connaissance de Dieu, la  ressemblance étant par elle-­même, la condition de la connaissance. (n. de la t.)

[7] Ignea oratio, disait Cassien en parlant de la prière de feu que peu connaissent car elle est le propre de l'âme enflammée. Grégoire le Grand parle de l'âme qui au contact du feu divin devient feu. (n. de la t.)

[8] L'union de l'âme à Dieu, l'union mystique, s'accomplit donc dans l’âme, tout à l'intérieur, dans les affections intimes et les moelles du coeur. Dieu est esprit […] Donc, pas d'apparitions visuelles, auditives, pas de vue extérieure et sensible, pas même de représentations imaginatives. C'est le don de l’amour, de la charité, la fusion de l'amour dans l’amour de Dieu, dans la conformité des vouloirs […](n. de la t.)

 

[9] Voici, de la part de saint Bernard uu important témoignage, un document vécu. Ce sentiment, de présence du Verbe en sen âme; il le décrit sans doute en se servant de références bibliques, mais l’expérience directe et personnelle y affleure constamment. […] (n. de la t.)